Comprendre la représentation des salariés constitue un enjeu majeur pour chaque acteur de l’entreprise. En France, ce rapport s’est métamorphosé au fil des décennies. D’une relation verticale entre employeur et employés à un système où la voix des salariés est institutionnalisée, nous avons assisté à des réformes sociales profondes. L’apparition du comité social et économique (CSE), en substitution du comité d’entreprise (CE), symbolise cette évolution. Salarié, employeur ou nouvel élu, vous percevez sans doute au quotidien ce changement de repères, cette volonté d’adapter la gestion collective aux nouveaux défis du monde du travail. Revenir sur l’histoire et les logiques de cette réforme éclaire non seulement le fonctionnement actuel des entreprises mais aussi la place de chacun dans ce dialogue renouvelé.
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ToggleOrigines du comité d’entreprise : de la création après-guerre à son rôle dans l’entreprise
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, la France souhaite reconstruire son économie tout en accordant davantage de droits aux salariés. C’est dans ce contexte qu’apparaît, en 1945, le comité d’entreprise. Cette création répond à une double ambition : associer les salariés aux décisions économiques et sociales de la société et garantir une forme de justice interne. Les premières ordonnances réservent aux organisations syndicales le monopole des listes électorales, scellant ainsi l’alliance entre engagement collectif et représentation institutionnelle.
Rapidement, le CE devient un acteur incontournable. Initialement centré sur les questions sociales (activités sociales et culturelles), il se voit progressivement confier un rôle consultatif sur la marche économique de l’entreprise. Les salariés y trouvent la possibilité d’exprimer leurs attentes, de surveiller certaines décisions stratégiques et de sécuriser leur quotidien professionnel. En ce sens, le CE symbolisait un premier pas vers la démocratisation de l’entreprise.
Principales réformes ayant modifié la représentation du personnel
L’histoire de la représentation du personnel est émaillée de réformes majeures ayant accompagné les évolutions du monde du travail. Parmi elles, les lois Auroux de 1982 ont marqué un tournant dans la défense des droits collectifs : elles instaurent un droit d’expression directe des salariés et renforcent les attributions des représentants. Cette volonté d’associer tous les acteurs à la construction du dialogue social ouvrira la voie à d’autres changements structurants.
Au début des années 1990, la création de la Délégation Unique du Personnel (DUP) favorise la fusion des instances représentatives, en réponse à la complexification des organisations. Cette mesure, consolidée par la loi Rebsamen en 2015, permet de simplifier le paysage institutionnel dans les PME notamment. Nous considérons que chaque étape a cherché à rendre le dialogue social plus efficient tout en maintenant un équilibre entre souplesse organisationnelle et défense des droits fondamentaux. C’est dans cette continuité que le CSE va trouver tout son sens.
- Lois Auroux (1982) : Droits renforcés, meilleure expression collective.
- Loi Balladur (1993) : Création de la DUP pour simplifier la représentation.
- Loi Rebsamen (2015) : Fusion des instances dans les PME.
Pourquoi instaurer le CSE : objectifs de la réforme
L’instauration du CSE, via les ordonnances dites « Macron » en 2017, s’inscrit dans la droite ligne de cette rationalisation. L’objectif affiché est clair : simplifier la représentation, centraliser les interlocuteurs pour fluidifier les échanges et moderniser la gouvernance sociale. Les ordonnances imposent désormais le CSE dès 11 salariés, là où le seuil du CE était fixé à 50.
En fusionnant plusieurs instances (CE, CHSCT, délégués du personnel), la réforme vise à limiter les doublons et clarifier les missions de chacun, tout en répondant aux attentes de flexibilité des directions et d’efficacité des salariés. Selon notre analyse, ce choix reflète une adaptation de l’entreprise à une société où l’information circule plus vite, où le besoin de réactivité s’impose dans la prise de décision collective.
Les principales différences entre le CE et le CSE
La transition du CE au CSE ne s’arrête pas à une question de nom. Le périmètre des missions, les modalités de mise en place et la composition institutionnelle ont été profondément repensés. Pour résumer les différences majeures entre les deux dispositifs, nous proposons ce tableau comparatif :
| Critères | CE | CSE |
|---|---|---|
| Missions | Sociales, économiques | Sociales, économiques + santé/sécurité |
| Seuil d’effectif | 50 salariés | 11 salariés |
| Institué en | 1945 | 2017 |
| Fusion des instances | Non | Oui (DP, CE, CHSCT) |
| Composition | Élus du personnel, employeur | Élus, employeur, représentants syndicaux |
| Rôle consultatif élargi | Progressif | Oui, consultatif sur plus de sujets |
Il nous semble que ce regroupement des prérogatives, s’il permet une plus grande cohérence, place chaque membre du CSE face à un élargissement de responsabilités nécessitant une formation renforcée et un engagement renouvelé.
Le fonctionnement actuel du CSE en entreprise
Le CSE se compose de l’employeur et d’une délégation représentative du personnel. Selon l’effectif de l’entreprise, le nombre d’élus varie, tout comme la fréquence des réunions et les missions prioritaires. Les suppléants ne participent qu’en l’absence des titulaires. Un bureau, avec secrétaire et trésorier, veille au bon fonctionnement de l’instance.
Dans les structures de moins de 50 salariés, le CSE porte avant tout la voix des collaborateurs concernant leurs réclamations et le respect des droits du travail. Au-delà de ce seuil, ses prérogatives s’élargissent : il gère les activités sociales et culturelles, dispose d’un droit d’alerte, surveille la santé et la sécurité, et il est obligatoirement consulté sur les réorganisations majeures ou économiques. Les entreprises de grande taille doivent mettre en place une commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), garantissant ainsi un suivi adapté de ces questions sensibles.
On retiendra que ses missions principales se déclinent comme suit :
- Assurer la représentation collective des salariés
- Gérer les activités sociales et culturelles
- Veiller à la santé, sécurité et conditions de travail
- Être consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise
Nous estimons que ce fonctionnement offre une protection plus globale tout en exigeant une adaptation rapide des élus aux nouveaux enjeux.
Impacts sociaux et enjeux autour du remplacement du CE par le CSE
Depuis 2017, le passage au CSE suscite débats et interrogations. Si la simplification du paysage institutionnel est saluée, des doutes persistent sur la préservation de la qualité du dialogue social. Certaines organisations syndicales regrettent la baisse du nombre d’élus et la disparition du CHSCT, qui représentait un contre-pouvoir choisi et spécialisé. Les élus en CSE constatent une charge accrue, associée à une nécessité de se former rapidement sur des sujets variés : droit du travail, gestion économique, santé, sécurité, etc.
Du point de vue de la direction, la réforme apparaît comme une opportunité d’échange plus direct, permettant de traiter plus rapidement les dossiers, tout en clarifiant les obligations. Selon des retours de terrain, cette nouvelle organisation a pu entraîner une meilleure efficacité sur certains sujets, mais une dilution du suivi lorsque la formation ou l’expérience font défaut. À notre avis, le véritable défi réside dans la formation continue des représentants, indispensable pour maintenir un dialogue social de qualité.
Comme l’a souligné un élu lors d’un entretien récent : « La transversalité du CSE impose de sortir de sa zone de confort, mais nous oblige, en retour, à mieux comprendre la réalité des collègues. »
Évolutions législatives et réformes récentes ayant impacté le CSE
Les réformes concernant le CSE ne se sont pas arrêtées après sa création. En 2024 et 2025, diverses mesures nouvelles sont entrées en vigueur. Parmi elles, la suppression de la limitation du nombre de mandats consécutifs pour les représentants change les perspectives de carrière syndicale et institutionnelle : il devient possible de s’engager durablement au sein du CSE, ce qui peut favoriser l’expertise à long terme tout en soulevant, à notre sens, la question du renouvellement.
D’autres ajustements intéressent la durée des mandats, l’élargissement des compétences ou la révision des modalités de consultation. Les organisations doivent intégrer ces nouveautés dans leurs pratiques. Le droit à la formation des élus fait désormais l’objet d’un suivi plus régulier, condition sine qua non pour permettre une application efficace de l’ensemble des missions attribuées au CSE.
Pour illustrer ces changements, citons l’exemple d’un CSE d’une PME industrielle engagée en 2025 dans la négociation d’un accord santé : les membres mettent à profit leur expérience des mandats précédents pour anticiper les attentes des salariés et y répondre de façon pertinente.

